Alpha Diallo est une figure incontournable de la scène hip-hop indépendante du coin : si vous le voyez quelque part dans le public ou aux platines, c’est que la soirée s’annonce bien. Ancien couteau-suisse de la Radio Trait d’Union RTU (devenue Nova Lyon), il est aujourd’hui aux manettes d’un média ambitieux et protéïforme : LEGROSTASDEZIK, (ou LGTDZ) à la fois un agenda, une TV, une source d’actus, de podcasts et de playlists réalisés par des passionné·es dotés d’une immense culture musicale. On a profité de cette période « calme » pour l’attraper au vol et lui poser quelques questions.
Les débuts : hip-hop & radio
Comment ça va ?
On garde le cap malgré les vagues et les incertitudes à l’horizon.
Tu es une figure un peu omniprésente de la scène musicale à Lyon, mais peux-tu rappeler ton parcours et te présenter pour les quelques personnes qui ne te connaissent pas encore ?
Très vaste question… Je suis né à Bourgoin Jallieu mais j’ai grandi à Vénissieux au quartier des Minguettes. Dès l’enfance, dans les années 90/2000, j’ai baigné dans le hip-hop (boom-bap / eastcoast) via des cousins rappeurs et beatmakers. Puis en explorant les classiques, je me suis intéressé plus à leurs sources, les samples, les labels, parcours etc, ce qui a constitué les bases de mon bagage perso.
J’ai commencé la radio en tant que chroniqueur à La Blackline sur RCT (Radio Charpennes Tonkin), émission hip-hop historique à Lyon. Ensuite en 2008/2009 RCT devint RCT Capsao puis Radio Capsao et emprunta un tournant luso-latino suite auquel j’ai animé l’émission Latin Urban jusqu’en 2013. Par la suite une partie de Capsao reprit les rennes de RTU (Radio Trait d’Union). J’ai à ce moment travaillé en partie sur les deux, avant de principalement bifurquer vers RTU vers 2014.
J’ai en parallèle de la radio, fait partie d’Etrangeprod, une association spécialisée dans la création audiovisuelle, SURL Magazine, un webzine hip-hop,Night Groove, une émission dédiée au groove dans son ensemble (jazz, soul, funk, hip-hop).
Sur RTU j’ai été au four et au moulin (rédacteur du site, Community manager, animateur, « caution » hip-hop/jazz, traducteur, assistant technique etc), puis vint le fameux rapprochement avec Radio Nova qui aboutit à la naissance de Nova Lyon.
Passé la création de Nova Lyon, la reconnaissance et les propositions de la direction lyonnaise n’ayant pas été à la hauteur, j’ai décidé de pleinement me consacrer à LGTDZ et fédérer une communauté de vrais passionnés.
J’anime et interviens sur des événements et festivals, en conférence ou ateliers où ça parle de hip-hop et jazz entre la France, la Suisse, l’Allemagne et ailleurs.
LGTDZ
La création
C’était un soir d’août 2011, j’étais dans mon plus beau caleçon C&A. J’animais à l’époque Latin Urban et n’avais plus la possibilité de parler de hip-hop dans son ensemble. C’est sans réfléchir sur un concept ou un nom que « Le Gros Tas de Zik » (désormais LGTDZ ou LEGROSTASDEZIK) est né. C’était juste un blog où je parlais d’albums qui me plaisaient et qui ne trouvaient pas de relais ailleurs. Puis au fil des années c’est devenu un média à part entière avec sa petite communauté d’artistes et d’activistes aux quatre coins du globe.
De simple blog, c’est devenu un média avec une web tv, des podcasts, des livestreams et autres joyeusetés.
Est-ce qu’il est orienté vers un type/style de musique particulier ?
La base est hip-hop (que l’on pourrait qualifier de old-school) et jazz mais les étiquettes veulent plus dire grand chose aujourd’hui, tellement les spectres musicaux des artistes sont larges et qu’une intention assumée a plus de poids qu’un exercice de style tiède. On retrouve dans tout ce bazar du hip-hop, soul, jazz, funk, rock progressif voire de la house (soulful) et du broken beat.
Lyon (et environs)
Y a t’il une scène lyonnaise ? tes chouchous locaux ? tes salles préférées ? tes meilleurs et pires souvenirs de concert ?
On est dans une époque où il suffit de se baisser pour trouver des artistes talentueux et Lyon a toujours été un vivier de talents tous styles confondus.
Mais le premier nom lyonnais qui sonne comme une évidence : DJ DUKE du groupe Assassin « le grand frère des grands frères » et qui nous a quitté récemment. Un mentor et un précurseur qui a fait bouger les lignes.
En actuel : je peux parler des Deux Lyricists, Vax-1 et son collectifLa Megafaune, Madijuwon, Exodus, Twani, Raistlin, Zajazza, Supa Dupa, le label Nemesis Musique, d’anciens lyonnais exilés comme Jostereo ou Kuna Maze etc…
Dans la vieille école, pensée pour Mr Zou et l’Elite, IPM, Gas (leader de Tchopdye et avant cela Dialect Music, seul groupe français qui a travaillé avec Roy Ayers à ma connaissance), Kesto, Sang-Pleur, Kouembé, Bubba-San et les autres cousins/grands-frères.
Dans ce que j’écoute moins mais qui a donné un rayonnement national à Lyon, on peut évoquer des noms comme l’Animalerie, King Doudou (producteur de PNL), Phazz (qui a produit entre autres Orelsan et Oxmo).
Je vais très certainement en oublier plein et le regretter après relecture mais bon..
Niveau événementiel, ce sont les programmations qui motivent mes déplacements plus que les lieux mais en matière de valeurs sûres je peux citer :
Salles : Ninkasi, Transbordeur, Épicerie Moderne, Périscope, Marché Gare (un jour les travaux finiront challah), le Centre Charlie Chaplin, Bizarre…
Il y a aussi la MJC de Rillieux, le Toï Toï et Chromatique qui se bougent bien.
Il y a aussi la MJC de Rillieux, le Toï Toï et Chromatique qui se bougent bien.
Péniches : Marquise et Sonic principalement
Clubs : La Maison M, Hot Club de Lyon, Clef de Voûte…
Et j’ai de doux souvenirs des soirées Musical Puzzle à La Triperie ainsi que les Jazz Cuisine à La Grooverie.
Sans oublier Grrnd Zero, le CCO de Villeurbanne et les choses officieuses dans des lieux confidentiels.
Moments mémorables de concert/festival : les trois qui me viennent à l’esprit n’étaient pas à Lyon. Je pense successivement au Festival Hip-Hop Kemp en République Tchèque qui fut une aventure dingue en 2015, le concert improvisé de Keziah Jones lors de Jazz à Vienne 2018 et l’émotion du festival Soulitude 2018 à Genève.
Hip Hop Kemp fut une immersion dans le Hip Hop avec deux grand H, où je me suis retrouvé avec un pass full access puis embarqué par Big Shug, Jeru The Damaja et Lil’ Dap dans les coulisses. Comble de la blague, ces derniers m’ont fait passer pour le fils de Jeru auprès des festivaliers. Probablement le plus gros festival hip-hop d’Europe, c’est un point de rencontre international. Une expérience que je dois à Pitchh, DJ et disquaire derrière l‘Underground Store à Villefranche.
Le concert improvisé de Keziah Jones est dû à ma rencontre fortuite du batteur MckNasty, que j’avais rencontré à Genève un an auparavant lorsqu’il jouait avec Henry Wu aka Kamaal Williams. On s’est croisés à la gare de la Part-Dieu. J’allais à Vienne et lui dans le Vercors avec Keziah Jones et le bassiste Joey Grant. On s’est tenu au courant par SMS toute la journée et ils se sont motivés à venir sur place à la toute fin de la soirée. Avec le soutien de l’équipe technique du festival, on a ressorti le matos sur la scène de Cybele (où se passent les concerts gratuits), puis le reste appartient à l’histoire.
La conclusion du festival Soulitude 2018 à l’Athenée 4 était dédiée à A Tribe Called Quest (qui venait de sortir son ultime album), avec mon compère Gautier alias MrChonks on a couvert le festival par des vidéos et livestreams. Jarobi White, membre fondateur du groupe/chef cuisinier était le principal invité. Il s’est chargé du Brunch et a donné une interview en compagnie de DJ Rasta Root qui était le manager de Phife Dawg (autre membre fondateur du groupe, décédé deux ans auparavant).
Après mon DJ set d’ouverture, ce fut un moment de partage et d’anecdote entre Jarobi, Rasta Root et des festivaliers qui ont grandi avec ATCQ. Rasta Root s’est occupé du DJ set final et à la toute fin a joué le dernier morceau que Phife Dawg a enregistré de son vivant. Un titre qui n’a été diffusé nulle part et dont on ignorait l’existence… Dans ce morceau, il parle de l’histoire d’A Tribe Called Quest et finit sur un mot d’adieu à ses potes et ses proches. Un mot que Jarobi White découvrait avec les autres personnes présentes, on a tous fondu en larmes…
Pire concert : De très loin MC Solaar aux Nuits de Fourvière. J’en ai des nausées en y repensant…. Cette expérience n’enlève en rien la qualité globale du Festival…
– Comment tu vis cette pandémie, as-tu des trucs et astuces pour tenir le coup en confinement/couvre-feu ?
J’essaye de surmonter la démotivation ambiante. Je travaille des lives pour The Spot (plateforme genevoise), le podcast Neck Cliché avec Figub Brazlevic (éminent DJ/Beatmaker berlinois), des mixes pour Nebulah Radio et d’autres choses qui arrivent très prochainement.
– Tes coins préférés de l’internet ?
Je dirais que le coin le plus obscur d’internet est ma boite mail avec des dizaines de milliers de mails non-lus. Sinon la plupart du contenu vient de recherches perso, d’échanges directs avec artistes et labels.
Je peux citer plein de blogs et médias qui font un excellent boulot comme BackPackerz, Abcdrduson, Beatbliotek, l’émission Gambetta TV qui vient de se lancer
– Tes projets, tes envies pour l’après (car oui on va finir par s’en sortir) ?
Retrouver ma productivité normale. Bouger à nouveau et faire de LGTDZ un vrai magazine avec équipe rédactionnelle etc