Périscope X Romain de Ferron

Cet article a été publié originellement sur le site du Périscope

Carte Blanche | Romain de Ferron nous parle de Charlemagne Palestine

Correspondance(s), c’est les projets et les histoires du Périscope illustré par le regard de l’autrice Coline Llobet. Pour cette saison, nous entamons une série de Cartes Blanches qui inviteront les artistes de notre scène artistique à nous dévoiler une œuvre, une manifestation, un événement ou une personnalité qui auront marqué leurs parcours en tant que musicien·ne. Nous sommes très heureux de lancer cette série par une carte blanche donné à Romain de Ferron, à l’occasion de son concert du 26 Octobre 2021, qui nous présente aujourd’hui Charlemagne Palestine, musicien hors-normes avec qui Romain de Ferron entretient une relation particulière.

Je crois que la première fois que j’ai entendu la musique de Charlemagne Palestine et plus particulièrement son disque « Strumming Music » c’était à la ferme du Faï dans les Hautes Alpes. Là haut on construit depuis plusieurs années avec des amis un système son un peu particulier qui sonne très bien avec sa musique.

À la fin de ma licence j’ai décidé de faire mon master de recherche sur lui. J’ai toujours été fasciné par les sons continus et la répétition dans la musique. Mon mémoire s’est dirigé naturellement vers le mouvement minimaliste américain (Terry Riley, La Monte Young, Steve Reich …). Je pense que le côté radical et iconoclaste de Charlemagne Palestine m’a séduit. C’est un artiste avec beaucoup d’humour qui s’est beaucoup moqué du sérieux de la musique savante, ce qui colle bien avec moi je crois.

Lors de sa venue au Couvent de la Tourette près de Lyon en 2013 j’ai eu la chance de le rencontrer et de jouer brièvement avec lui.

Sa musique est très corporelle, il lui arrivait de se faire saigner les mains en martelant les touches de son piano pour ses pièces qu’il nomme Strumming. La plupart de ses morceaux sont un empilement de fréquences, jamais beaucoup plus qu’une dizaines sur des pièces durant généralement autour d’une heure. C’est donc très épuré et très répétitif. Pourtant j’ai plutôt l’image d’une musique généreuse et foisonnante. Un peu comme une grosse cascade qu’on regarderait couler : c’est un peu toujours pareil mais toujours légèrement différent (je crois que c’est Steve Reich qui avait fait une comparaison similaire avec la musique et les vagues)

En plus d’être musicien il est également plasticien et performeur. Lors de ses concerts il mêle ces pratiques en intégrant par exemple des sortes de sculpture décoration autour des nounours (une de ses obsessions).

Le fait de le rencontrer et les heures à écouter ses disques pendant mon mémoire m’ont beaucoup marqué, et longtemps je crois que ma musique en solo a eu du mal a prendre son indépendance. Certains traits persistent. Par exemple l’idée d’étirer au tant que possible une idée musicale, comme pour la mettre à la plat, comme tirer des fils très long. Superposer des fréquences et regarder leurs interactions, et notamment d’utiliser comme il le fait souvent un empilement d’intervalles de secondes. Récemment aussi je me suis rendu compte que sur certains morceaux j’adaptais sa technique de Strumming en martelant les touches de mon petit synthétiseur (ce qui est assez paradoxale car lui de son côté utilisait pour sa techique de Strumming un modèle très spécifique de piano qui est particulièrement imposant, le Bosendorfer Imperial).

 Il considère d’ailleurs sa musique plutôt comme ça je crois, en refusant l’appellation minimaliste pour préférer celle de musique maximaliste. Il me racontait que pour lui le minimaliste lui évoquait les personnes qui ne donnent pas de pourboire. Aussi il parle souvent de sa recherche vers le « son d’or »

« je voulais trouver dans le son un champ baigné de couleur, un sanctuaire de la couleur, un son sans fin »

Charlemagne Palestine est (co)reponsable d’un autre aspect très important dans ma vie. Comme beaucoup de musicien de cette époque, et particulièrement les minimalistes, il s’est beaucoup intéressé à la  musique Balinaise et Javanaise de gamelan. Son parcours l’amènera à partir en voyage d’étude à Bali pour un mois. En cherchant sur Charlemagne Palestine je me suis donc plongé dans la musique Indonésienne et je suis complètement tombé dedans. Et j’ai poursuivi d’alimenter cette obsession en ayant la chance de voyager et étudier en Indonésie à plusieurs reprises durant ces dernières années.


A écouter

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