Odessey & Oracle, pop lumineuse et pamphlets en toile de fond
Cet article a été publié à l’origine sur le site du Périscope
A l’occasion de leur concert au Périscope le 24 Juin, le groupe de pop baroque a répondu aux questions qui nous brûlaient les lèvres sur leurs influences et leur univers artistique.
– Pourquoi avoir choisi le nom d’un album des Zombies ? Qu’est ce qui vous lie si fortement à ce groupe ?
Il y a eu un truc très fort avec ce disque. Quand tu découvres la pochette, et ce titre, avant même d’entendre la musique tu sais qu’il va se passer des choses. Et puis viennent les chansons, l’explosion de couleur dans les arrangements, l’écriture à la fois évidente et ultra sophistiquée mais jamais ampoulée. La voix de Blunstone, le son du disque qui est magnifique !
On s’est un peu rencontrés avec cet album et même si le projet n’était pas d’imiter cette musique, pour un groupe comme nous qui voulait explorer les contours du format chanson, ce titre de disque à la fois mystérieux et évocateur s’est imposé.
– Votre projet musical semble représenter une autre conception de la musique pop. Comment travaillez-vous ce rapport entre pop et musiques savantes ? Que dire de cette « variété expérimentale » à laquelle vous faites référence ?
On parlait de l’album des Zombies et c’est vrai que la fin des années 60 a posé les les bases d’une certaine musique populaire qui communiquait avec les recherches de l’avant-garde expérimentale, et intégrait des éléments d’écriture classique (ou baroque), c’est particulièrement visible chez des groupes comme White Noise ou The United States of America, et dans un registre encore plus mainstream sur certains albums des Beatles, des Beach Boys… Cette approche a perduré en s’estompant peu à peu si bien qu’aujourd’hui, le business de la musique ne mise presque plus sur ce type de démarche, il y a la musique indé-underground dans laquelle certains groupes sont dans une recherche “expérimentale” mais la plupart du temps sans vocation à devenir hégémonique, et de l’autre la musique “commerciale” où le propos est d’aller directement en terrain familier pour maximiser l’adhésion (et le profit). On schématise bien sûr, tout n’est pas blanc ou noir, mais c’est une tendance et on a envie de déplacer le curseur et de se réapproprier la musique populaire, grand public (d’où le terme variété) comme un champs ouvert à l’expérimentation, à la recherche dans les sonorités ou la compo.
– A l’écoute de votre dernier album, on peut ressentir un décalage entre la dureté des images que vous évoquez et vos instrumentations solaires et psychédéliques. Ce contraste est-il voulu? Si oui, pour quelles raisons?
C’est évidemment voulu, on ne peut pas se permettre de décrire une réalité cruelle, violente, sans parallèlement tenter de délivrer un message d’espoir. On peut constater cette approche dans pas mal de morceaux de la fin des années 60 (encore !) où les paroles s’élevaient contre les atrocités commise par les USA au Vietnam mais qui véhiculaient en même temps une énergie optimiste : “ouai, on vit dans une société dingue mais on en prend conscience et bientôt le peuple se soulèvera contre l’injustice et une autre société adviendra”. D’un point de vue esthétique aussi, on trouve intéressant de parler de barbarie sans être redondant musicalement, et surtout éviter d’être didactique…
– Quelle a été la dynamique de composition pour votre dernier album Crocorama? Y a t-il un concept derrière cet album?
Cette fois-ci pas trop. Le premier album était typiquement un album concept avec cette alternance de chansons et d’instrumentaux en forme de petites fugues instrumentées à chaque fois différemment. Le second avait un fil conducteur : l’argent érigé en Dieu tout puissant dans nos sociétés. Avec Crocorama, on voulait dresser un catalogue de chansons pas forcément liées les unes aux autres. On a écouté pas mal de musique chantée en Français (chose qu’on avait pas vraiment approfondi auparavant) et le plan était un peu de faire un disque de chanson, de “variété” mais à notre sauce… On laisse les gens juges du résultat ahah mais c’était le seul concept au départ.
– Vous semblez très influencés par la musique des années 60, y a -t-il des scènes artistiques contemporaines qui vous inspirent ou vous marquent tout aussi fortement ?
On est en effet très influencés par des musiques anciennes (voire très anciennes comme le baroque ou la musique médiévale), la MPB (Musique Populaire Brésilienne) des années 70 nous influence beaucoup aussi… Après quoi, on écoute vraiment de tout (jazz, musiques trad, pop, etc…) et y compris (heureusement) des musiques contemporaines. L’influence des groupes d’aujourd’hui (eux-mêmes influencés par des choses plus ancienne, il faut le rappeler) est forcément présente dans notre musique, au moins de façon inconsciente… On est forcément influencé par tout ce qu’on écoute mais en règle générale, on cherche plutôt à essayer de sonner différemment en combinant des éléments musicaux qu’on aime (par exemple registre chanson et contrepoint baroque, mélodies alambiquées dans un format pop) plutôt que de laisser sentir l’influence de tel ou tel artiste. Au fond on est pas tant plus influencés par la musique des années 60 que des 70, c’est sans doute le nom du groupe qui évoque auprès des gens cette connexion privilégiée…