
LES TOTALITARISMES TECHNIQUES
19 juin à 19:00 - 21:30
PL
LES TOTALITARISMES TECHNIQUES — Conférence/débat technocritique avec François Jarrige et le Front de libération anarchiste
À chaque nouvel outil, un mot d’ordre : s’adapter.
L’injonction ne date pas d’hier.
Dès le XIXe siècle, la machine impose son tempo, son ordre, ses contraintes.
Les gestes doivent suivre. Puis les corps. Puis les esprits.
On ne débat pas de la direction, seulement de la vitesse.
Ce n’est pas un progrès, c’est un régime.
C’est ce que montrent les travaux de François Jarrige : la technique n’a jamais été un simple prolongement neutre des besoins humains. Elle façonne les subjectivités, distribue les places, polarise les résistances.
Ses recherches sur la mécanisation du travail, l’électrification des sociétés et les régimes énergétiques révèlent une chose : chaque cycle technique réorganise la matière du monde et celle du politique. La modernité industrielle ne s’est pas construite sur une volonté partagée d’améliorer le sort commun, mais sur une cascade d’expropriations : des savoir-faire, des terres, des récits.
L’histoire de l’électricité, par exemple, n’est pas celle d’un confort domestique gagné, mais celle d’une perte d’autonomie énergétique, d’une centralisation accrue du pouvoir technique, d’une dépendance massive à des infrastructures hors d’échelle.
Aujourd’hui encore, rien n’a changé. Seuls les termes : on parle de transition, de décarbonation, d’innovation verte. Mais derrière la novlangue, les logiques demeurent : généralisation du pilotage algorithmique, prolifération des capteurs, extinction des savoirs manuels, relégation des marges.
Le monde se numérise non parce qu’il en a besoin, mais parce que les filières industrielles ont besoin de nouveaux débouchés. Ce n’est pas le réel qui pousse l’innovation, c’est l’économie de l’innovation qui reconfigure le réel.
Ce que souligne Jarrige, c’est que ces mutations sont toujours accompagnées de controverses étouffées, de luttes oubliées, de bifurcations empêchées. Les sociétés auraient pu (et pourraient encore) faire d’autres choix.
Le refus d’une technique n’est pas un refus du monde, mais une autre manière d’en prendre soin.
Il ne s’agit pas de dénoncer les « dérives » d’un progrès technologique supposément bon par essence, mais d’interroger sa matrice même : qui décide, au nom de quoi, et avec quelles conséquences irréversibles ? Car la technique, lorsqu’elle se déploie sans politique, devient l’infrastructure d’un monde clos et le tombeau des alternatives.
FRANÇOIS JARRIGE
François Jarrige est enseignant-chercheur, maître de conférences à l’Université de Bourgogne, spécialiste de l’histoire sociale des techniques. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur les effets sociaux, politiques et écologiques de la modernité technique.
Jeudi 19 juin 19h-21h30
Entrée et bar à prix libre