Depuis le 23/09, sept militants antifascistes lyonnais sont poursuivis par le Parquet de Lyon pour une altercation avec les intégristes catholiques du groupe Civitas, un groupe qui prône l’instauration d’un régime théocratique en France avec la reconnaissance du catholicisme comme seule « véritable religion ». Cette altercation a eu lieu lors d’une marche contre le pass sanitaire, manifestation que ces groupes d’extrême-droite tentent de récupérer afin de diffuser leur idées nauséabondes (racisme, antisémitisme, islamophobie, homophobie, transphobie).
Sur les sept inculpés, quatre ont été immédiatement incarcérés après leur garde-à-vue suite à leur passage devant le JLD et trois sont soumis à un strict contrôle judiciaire.
Plusieurs éléments dans l’attitude de la Justice et du Parquet nous interpellent :
- Malgré l’absence de plainte et d’ITT de la part des militants de Civitas, et alors que ces derniers se situent plutôt du côté des habitués du coup de poing et des agressions que de celui des victimes (comme l’illustre le cas d’ Alexandre Gabriac, ancien fondateur des Jeunesses Nationalistes, dissoutes par le gouvernement, condamné par la justice à plusieurs reprises, et actuellement cadre important de Civitas), le Parquet s’auto-saisit et mène une enquête entièrement à charge contre les militants antifascistes : aucun des militants de Civitas n’a été officiellement convoqué ni auditionné pour s’expliquer sur l’altercation. Par contre, la Police les a bien contactés, sans que l’on puisse comprendre les liens entre les enquêteurs et Civitas, ni même qui a été contacté.
- Le caractère exceptionnel de la procédure : une comparution à délai différé. Créée en 2019, cette procédure rarement utilisée garantit une justice expéditive et un passage obligatoire devant le Juge des Libertés et de la Détention (JLD) à l’issue de la garde-à-vue, qui peut alors incarcérer ou placer sous contrôle judiciaire, sans preuve ni jugement.
- Lors de son troisième passage devant une JLD le mardi 26 octobre pour demander une mise en liberté (refusée), l’un des camarades incarcéré a eu droit à des interventions étonnantes de la part du Procureur et de la Juge. Le Procureur a en effet apparenté un militant de Civitas à un représentant de l’autorité publique. Quant à la juge, pour justifier – entre autres choses – le maintien en détention, elle a considéré que notre camarade était l’auteur de violences discriminatoires liée à l’appartenance supposée du ou des militants de Civitas à la mouvance d’extrême-droite. Pour finir, ce même camarade s’est vu proposer en prison un stage de déradicalisation ! Le Parquet, les juges et l’administration pénitentiaire n’ont visiblement plus peur de rien.
Ces inculpations s’inscrivent dans un contexte local d’impunité pour les groupes d’extrême-droite au niveau judiciaire.
Les groupes néo-fascistes ou néo-nazis sur Lyon, relativement nombreux, forment une véritable nébuleuse : Audace Lyon et Lyon Populaire issus du Bastion social (dissous en avril 2019 par le gouvernement), Génération Identitaire (dissous en mars 2021), les royalistes de l’Action Française, Civitas, et les néo-nazis animant la page Telegram ultra-violente « Ouest Casual » (qui diffusent des vidéos d’agressions homophobes et racistes) forment ce milieu qui est capable de se fédérer à l’occasion. Ils disposent de salles ou se rassembler et s’organiser, notamment pour préparer leurs multiples agressions. Ces derniers temps, ces militants tentent d’organiser un véritable climat de terreur sur la ville. Les exemples sont malheureusement nombreux.
Comment expliquer l’absence de mise en examen pour ces multiples faits, documentés, parfois filmés ?
Comment expliquer que quatre militants antifascistes dorment en prison pour une altercation n’ayant pas entraîné d’ITT alors que des agressions à l’arme blanche restent impunies ?
Comment expliquer que des groupes dissous par décision gouvernementale puissent encore se réunir et disposer de salles ayant pignon sur rue ?
Dans le même temps, le Président de Région Laurent Wauquiez a décidé de couper les subventions d’une salle de spectacle, le CCO de Villeurbanne, dans lequel était organisé un festival de musique antifasciste (le Lyon Antifa Fest), prétextant des propos anti-policiers qui auraient été tenus par des membres d’un groupe de rap invité.
Il semble évident qu’une politique du deux poids deux mesures soit bien installée dans les réactions des autorités politiques et judiciaires lyonnaises. Ce sont les mêmes autorités qui expulsent de manière illégale des squats d’hébergements d’exilé·e·s, et qui organisent la répression violente de nombreuses manifestations progressistes sur la ville (comme par exemple le 1er mai 2021).
Ainsi, au-delà de la situation lyonnaise, nous nous inquiétons de la droitisation globale de la société française et particulièrement de l’appareil d’État.
Au niveau législatif, de nombreuses lois sont venues renforcer l’autoritarisme de l’État : la loi sur les « séparatismes », visant particulièrement les musulmans, la loi « sécurité globale », qui a suscité un vaste mouvement d’opposition l’an passé, la loi antiterroriste, qui renforce la surveillance numérique…
Au niveau de la répression judiciaire, l’arbitraire de la Justice est à l’œuvre. À titre d’exemple, à Bure, deux militants anti-nucléaires ont été récemment condamnés à des peines de prison ferme (neuf et douze mois) pour le simple motif de « participation à une manifestation non déclarée ». Les antifascistes d’autres villes comme Rennes et Paris ont déjà subi un véritable harcèlement de la part de la Justice, comme l’a illustré le cas d’Antonin Bernanos.
Le mandat Macron restera caractérisé par le nombre inédit de ce qu’il faut bien appeler des prisonniers politiques, incarcérés sous des motifs vagues comme « groupement en vue de commettre des violences », « participation ou organisation d’une manifestation non déclarée », motifs pouvant être utilisés de manière complètement arbitraire par le Parquet contre n’importe quel manifestant. Le mouvement des Gilets jaunes a ainsi fait face à une répression inédite dans l’histoire de la cinquième République : 10 000 gardes-à-vue, 3 100 condamnations et 400 incarcérations, répression condamnée par le Secrétariat aux Droits Humains de l’ONU et Amnesty International.
Les conditions de défense sont toujours plus précaires, comme l’illustre l’utilisation de cette nouvelle procédure qu’est la comparution à délai différé. C’est une machine judiciaire supplémentaire qui sert à envoyer les prévenu·es en détention provisoire. Au 1er août 2021, ce sont ainsi 18 641 personnes qui étaient détenues sans aucun jugement (soit 27,3% de la population carcérale), dans des prisons dont l’état provoque la condamnation régulière de la France par la Cour européenne des Droits de l’Homme : surpopulation carcérale, taux de suicide élevé, conditions sanitaires déplorables avec de nombreuses cellules sans sanitaires, présence de rats et de cafards, matelas au sol, etc.
Quant aux violences policières (qui ont toujours été importantes dans les quartiers habités par des populations issues de l’immigration postcoloniale), elles sont monnaie courante, malgré le déni gouvernemental et l’inaction de l’IGPN. De la résistance à Notre-Dame-des-Landes, en passant par le mouvement contre la loi travail en 2016, jusqu’au mouvement des Gilets jaunes ou celui des retraites, toute personne ayant manifesté a déjà été témoin de violences policières gratuites.
La police française reste l’une des seule d’Europe à utiliser des armes comme les grenades de désencerclement ou le LBD40, à l’origine de nombreuses mutilations, dans des contextes de maintien de l’ordre.
Ne nous y trompons pas : cette fébrilité répressive est la conséquence d’une peur de l’État face au réveil de la lutte des classes qui a eu lieu depuis le vaste mouvement des Gilets jaunes, conflictualité qui a continué à s’exprimer durant le mouvement d’opposition à la réforme des retraites, et depuis, lors de nombreuses manifestations de masse. Nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à refuser l’ordre capitaliste et son cortège d’injustice.
Pour finir, depuis plusieurs années, l’État utilise de nouvelles armes face à notre classe : le racisme et l’islamophobie.
Nous constatons que les immigré·e·s noir·es et arabes, les musulman·es, sont constamment montré·es du doigt sur les chaînes d’information continue aux mains de grands groupes capitalistes. Le gouvernement ne cesse d’alimenter ces fantasmes racistes en inventant ou en promouvant des concepts nébuleux issus de l’extrême droite, comme le « séparatisme » et « l’islamo-gauchisme ».
Les monopoles capitalistes, comme le groupe Bolloré, ont procédé à un vaste remaniement des médias pour promouvoir ces idées : licenciement de journalistes et d’humoristes hostiles à cette ligne, promotion des théories les plus radicales de l’extrême-droite comme l’illustre le cas de Zemmour, qui finit par devenir le candidat d’une extrême-droite qui n’hésite plus à réhabiliter Pétain et à faire du négationnisme sur le rôle de l’État français durant la Shoah, ce qui était impensable il y a quelques années.
La répression qui vise nos camarades antifascistes, et l’impunité dont bénéficient les groupes de nervis néo-fascistes dans notre ville, illustrent ce glissement de la société capitaliste française et de l’appareil d’État vers l’extrême-droite. Nous pensons qu’il est urgent de faire émerger une mobilisation exemplaire contre cette dérive fascisante. Il s’agit de défendre nos camarades, mais au-delà, l’ensemble de notre classe, contre le poison néo-fasciste. Il s’agit de défendre toutes les minorités qui sont menacées, insultées et diffamées.
L’antifascisme n’est pas un crime.
Le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie, la transphobie, le sexisme sont des crimes, des crimes avec lesquels nous ne transigerons pas, ni aujourd’hui, ni demain.
Liberté pour nos camarades !
Relaxe pour les 7 inculpés !
Rendez-vous le 4 novembre au Tribunal Judiciaire de Lyon, à partir de 14h !!
(67 Rue Servient, 69003 Lyon)