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ARLT
27 avril 2016 à 21:00
10€Troisième album officiel du groupe Arlt (après la parenthèse « Arlt & Thomas Bonvalet » qui voyait ce dernier passer le répertoire du duo par le feu d’une instrumentation hétéroclite et convulsive), ‘Deableries’ est un recueil de chansons suaves, gondolées, radioactives, dont on ne sait pas très bien de quoi elles parlent, « si c’est de la mort qui vient ou bien du café qui brûle, si c’est de l’amour qui s’en va ou bien de quoi ». Eloïse Decazes y chante comme une sirène toxicomane (et parfois même, littéralement, comme une sirène de pompiers), une marionnette hantée, une enfant en proie aux hallucinations, une vieille femme phosphorescente, elle est aussi émouvante que drôle, et plus étrange que jamais. Sing Sing y épanche son baryton de cafetière, au delà du juste, à sa façon de loup-garou qu’on a ébouillanté pour rigoler. Cette façon siamoise, torve, sexuellement trouble de joindre leurs timbres somnambules fait de l’effet. Les mélodies vocales, poignantes, sont tissées à même les arpèges hirsutes, riffs erratiques, suites d’accords déglingués que lui tire d’une guitare antédiluvienne qui sonne parfois comme un vieux clavecin qu’on réveille. On retrouve ici leur manie joyeuse de marier les contraires (chaud-froid, solide-liquide, tellurique-aérien), dans un excitant tohu-bohu d’humeurs contradictoires idéalement renforcées par le dialogue entre le jeu de guitare poétique de Mocke (Holden, Midget!), tout en carillons stellaires, jets de salive multicolores, nuées et rayons ultra-violets, lambeaux de jazz, montées de fièvre rocanrol, apparitions d’exotica nouille et les architectures parallèles du centaure Thomas Bonvalet (percussions arythmiques lilliputiennes, banjo vrombissant, orgue à bouche, flûtiaux bousillés, foudre, tonnerre, mille sabords)
De la miniature groovy, vénéneuse et patraque « Piège à loups » au vacarme euphorique de « Piège à loups 2″, l’album offre un parcours imprévisible et haletant.
Faux calypso toxique (« Nue comme la main » crépitant de crécelles et zébré de guitares soleilleuses), locomotive médiévale pantelante et funky (« De plein fouet »), comptine brutale au banjo extatique (« La rhubarbe”), déchirante procession spiralée (« L’enterrement », déroulée dans un souffle étranglé par les petits tourbillons de guitare pop improvisé), valse vaudou finie à coups de pieds dans le ravin (« Le cancer »), oraison sentimentale à fracasser le premier coeur venu (« Les oiseaux cassent » et ses cadences baroques naïvement exécutées la larme à l’oeil), on trouve un peu de tout ici, du très ancien et du très neuf, du sentiment à la pelle, des questions théoriques saugrenues, de la poésie cannibale, du chamanisme nain, des ritournelles, du conte, des bruits bizarres, de l’humour noir et rose, du psychédélisme en guenilles cousues d’or, des sensations, des sensations, des sensations.
‘Deableries’ est sans doute le disque de Arlt le plus abouti. C’est aussi à la fois le plus accueillant, le plus doux et le plus siphonné.
Avec :
Eloïse Decazes (chant, concertina)
Sing Sing (chant, guitare)
Mocke (guitare)
Thomas Bonvalet (banjo, basses, concertina, flûte, guitares, orgue à bouche, percussions, piano)