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Deeper + Saffron Eyes
29 août à 20:00
11€ à 12€- DEEPER (indie post punk/Sub pop, US)
« Il y a trois ans avec Auto-Pain, Deeper passait brillamment le test redouté du deuxième album alors qu’il se remettait à peine de la disparition de son guitariste originel. Son post punk anguleux, brut et sombre répondait à celui pour le moins productif des scènes anglaises et irlandaises, deux sources intarissables d’un revival qui aurait aujourd’hui tendance à s’essouffler. Reste donc à ses principaux représentants à repousser les codes, jouer avec les étiquettes qu’on leur colle parfois trop vite. À l’instar de Shame ou The Murder Capital, le groupe de Chicago prend ainsi la tangente et s’en va creuser plus… profondément dans la pop : un nouvel horizon dévoilé avec Careful! sur lequel l’ombre de Bowie plane très régulièrement (Build a Bridge, Everynight), mais qui ne tourne pour autant pas totalement le dos à ses premiers amours. Autre avant-goût proposé en début d’été, Tele (clin d’oeil à Television dont on sent également l’influence ici ?) en atteste avec ses boites à rythmes et sa basse cold plongeant Deeper dans une ambiance darkwave brutaliste qui lui est chère.
De Bowie et Television à The Cure, il n’y a alors qu’un pas que Fame parvient à franchir quand Nic Gohl, en chantant ‘This cure is not for everyone’, fait écho au ‘I must find a cure’ lâché par Robert Smith en 1982 sur Pornography. Point de tension culminant de l’album, le titre est une montée progressive au cours de laquelle saxo et guitare rivalisent de liberté avant d’être stoppés net sans qu’un vainqueur soit désigné. En un peu plus de trois minutes, Deeper s’est alors accaparé un son sale, coulé dans du béton froid, que l’on retrouve par ailleurs sur le dansant Bite, comme sur le groovy Dualbass porté par la voix languissante du frontman qui, pour clôturer l’album, adresse une déclaration d’amour à sa femme avec Pressure, ballade aussi belle que solaire.
Deeper aurait pu se noyer dans la masse mais se démarque ici en réussissant à clarifier sa musique tout en la rendant immensément plus riche. Ni pop, ni cold wave, ni post punk, mais un peu tout ça à la fois, Careful! crée des ponts entre passé et présent, entre les musiques qui inspirent ses géniteurs, mais aussi entre la Génération Z biberonnée au revival post punk et son ainée qui s’ambiancait sur Orchestral Manoeuvres in the Dark et Devo avant que tombe le mur de Berlin. » MOWNO
- Saffron Eyes (indie post-punk, Saint Etienne)
A l’image d’un annabac, les premières secondes de la première chanson du nouvel album de SAFFRON EYES résument, pour les plus pressés, les thèmes et sentiments qui seront développés sur la petite demi-heure de musique que contient le disque : des sourires par devant, des coups dans le dos, des ruptures à l’amiable et des menaces sourdes.
La chanson s’ouvre sur une batterie qui martèle et un dialogue interprété par une guitare schizophrène. Les toutes premières mesures semblent dire sans trop y croire : “Tout va absolument bien”. La réponse, en mode mineur, ne se fait pas attendre dès les arpèges suivants : “Tout ne va pas si bien, ducon”. La scène est rejouée une deuxième fois pour enfoncer le clou dans nos tympans. Chacun se toise. Ça va se taper. Un ange passe. Fin de l’intro, on attend la chute. Et c’est là que le chant débarque, sorti de nulle part, avec un petit sourire, pour nous mettre un bol derrière la nuque.
Smile Until It Hurts encapsule tout cela : plaisir d’offrir (des chansons racées et référencées, dans la belle tradition de l’indie rock), joie de recevoir (des tartes dans la gueule).
Si le précédent album Pursue a Less Miserable Life (sorti en 2020 sur We Are Unique! Records) avait un goût de fin d’été, celui-ci sent clairement la guerre froide. Il est dégraissé, désossé et ne subsiste que l’envie d’en découdre, malicieusement camouflée sous une forme de beauté évidente qui se sifflote sous la douche.
Un plan d’attaque complètement cohérent avec la palette sonique que Ives Grimonprez, magicien stéphanois du son et grand maître des studios Apertte, offre à ces chansons : un écrin brut qui ne fait pas le malin et souligne avec élégance le son du quatuor.
Ce son-là ne vient pas de nulle part. Il est le prolongement d’années de mélomanie nourrie au rock indépendant et aux racines de ce dernier (blues, post-punk et un soupçon de doo-wop).
Toujours pour les plus pressés, allez donc jeter une oreille à Run The City pour y entendre un gimmick que les Pixies n’arrivent plus à faire. Revenez sur All I Want (Is a Little Love For You) pour voir à quoi ressemble le rejeton qu’un riff de basse de Jesus Lizard aurait eu avec un refrain de Wet Leg. Enchaînez avec Sympathy For The Losers pour comprendre que Fugazi rêvait en fait de devenir un groupe de pop music. Take a Hammer, Consuela relie les points de l’arbre généalogique entre The Cramps, The Gun Club et La Luz. Les jolis interludes instrumentaux (le pont de Not The End et l’intégralité de Tied Up to the Thread You’re Weaving Around Me) nous ramène sains et saufs sous le soleil de Laurel Canyon, escale d’un voyage où on aura aussi croisé The Feelies, The Bad Seeds, Kathleen Hanna, Anna Waronker et des amalgames bien digérés de tous ces gens importants.
Ce son-là ne vient pas de nulle part, c’est donc prouvé, mais c’est aussi le prolongement d’années d’activisme musical et artistique de la part des membres de SAFFRON EYES. Le groupe abrite les talents multiples et remarqués de plusieurs formations dont la discographie a su tracer son propre cheminement (Raymonde Howard, Le Parti, ThOmas.W…) dans ce décor de figures imposantes.
Smile Until It Hurts. Sourire à s’en décrocher les pommettes. Comme pour sauver les apparences. C’est le titre idéal pour ce disque fourbe : jouissif, dansant, bien exposé, le tout en bonne compagnie, mais on vous suggère de rester sur vos gardes en permanence. Il s’y planque des surprises à chaque détour de chanson. Et tout le monde est bien ravi de se faire avoir.