Comment Ça Va, Popier Popol ?

   

Popier Popol fait tache. Dans un paysage de réseautage social ultra-standardisé où chacun·e met en avant ses réussites – promotion ou cupcake – avec juste ce qu’il faut d’autodérision pour montrer qu’on est « pas vraiment dupe de tout ça mais quand même », Popier décadre et nous oblige à regarder le glauque, le laid, le malaise, la gène, l’absurdité de nos existences et tout ce qu’on s’évertue à cacher sous cet étalage de faux intime. Popier écrit des bribes, bricole des fanzines, dessine sur paint, explore l’art des fauchés via des mediums ignorés ou méprisés, un art brut d’une honnêteté radicale. On peut (pouvait?) la croiser dans un coin d’une salle de concert banlieusarde avec sa boisson signature (vodka coca) et c’était une évidence et un honneur pour nous qu’elle réalise un numéro de Ville Morte. On revient avec elle sur ses activités, sa pré-retraite et son look pin-up Quechua dans une interview riche en illustrations et fanzines à télécharger et imprimer soi-même.

– Alors déjà Popier Popol, ça va ?

Bien sûr que non ça va pas !! Mais ça pourrait être pire.

Fanzines

J’ai commencé à écrire des textes en 2012 car je pétais des plombs dans un taf et j’ai réussi à me concentrer un peu pour faire quelque chose de cette merde. J’ai donc sorti 2 zines en même temps vers  2015 . Ça n’a pas été immédiat du tout. Les deux  zines s’appelaient « popier au travail »et « popier en vacances » car je suis mauvaise en titres. C’est de l’autofiction. En gros tout est vrai mais assemblé de façon à ce que ce soit bizarre.

Les origines : Popier au travail  (cliquez pour accéder au pdf)fait du travail.JPG

Le zine me permet de faire un premier travail grossier d’édition et d’assemblage et d’avoir un objet. Ça fait une archive. C’est un prétexte à parler aussi, c’est une aide à la sociabilité.

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Ça permet de faire un produit « pas fini » : pour ma part ça s’arrête à ce premier assemblage grossier je fais pas de vraie relecture, de correction sérieuse ou de réécriture d’éléments maladroits. On peut faire ça avec le zine, car « c’est juste un zine on s’en fout » c’est du papier photocopié.

Un autre truc cool c’est le rapport « local » et de proximité aux lecteurs. Si je raconte une histoire qui s’est passée au Grnnd Zero, celui qui lit sait à quoi ressemble le Grnd Zero, j’ai pas besoin de décrire à quoi ça ressemble, quel genre de gens on y trouve. Dans l’écriture dans un blog ou dans un zine, le pacte établi avec le lecteur est plus décousu que si on écrit pour envoyer à Gallimard.

 Le zine de la maturité et de la dépression : Burger Bonheur (cliquez pour accéder au pdf)
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Le problème avec le fait de fabriquer des objets, c’est qu’il faut un être humain pour le distribuer, le diffuser, l’amener dans des lieux, et d’une certaine manière ça te place « dans un milieu », tu fais partie du milieu, ou tu n’arrives pas à en faire partie, en tout cas ça pousse beaucoup à se positionner par rapport à ça. Tu commences à faire des petites merdes photocopiées et tout à coup tu te retrouves à vouloir trouver « une famille » qui veut bien t’inviter aux repas. Comme j’étais à deux doigts d’acheter un livre de développement personnel du type « comment se faire des amis » je me suis dit qu’il fallait peut-être que je fasse une pause dans le biz du zine. A ce jour je ne sais pas si je suis en congé sabbatique ou en préretraite.

Une autre forme de diffusion que j’ai fait un peu c’est de lire en public et j’aimais bien.  J’aimerais bien aussi bidouiller + de montages sonores.

Réveillez vous, une fanfiction érotique avec Philippe Poutou (cliquez pour accéder au pdf) avec un montage sonore du zine

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– Tu fais(ais) souvent des distros avec Marguerin et Eva Popo, aurais-tu d’autres fanzines que les tiens à nous conseiller ?

Oui on a organisé les descentes de lit avec Eva Popo (qui fait des linos super ) et Marguerin il y a deux ans : distro de nos trucs avec un ou deux invités puis lectures et micro ouvert.

Parmi les zines que j’aime bien il y’ a ceux de Zed Zonk

Ceux de Luna Beretta et le fanzine Violences qu’elle dirige

les zines et romans de Lizzie Crowdagger, tu rates ta vie si tu connais pas

Les croûtes au coin de yeux de Tanx

Les éditions douteuses aussi

Et je ne sais pas si c’est vraiment un zine mais y’a un peu de ça : Sac à tout, mémoires d’un petit chien de Séverine qui date d e 1903 et qu’on peut lire sur Gallica

Je suis très mauvaise pour parler des trucs que j’aime bien, à part dire que j’aime bien, mais j’aime vraiment bien

Paint

C’est une activité beaucoup plus « légère » pour moi que l’écriture, je fais ça comme je pourrais faire des origamis, de la peinture sur soie ou passer l’aspirateur. Mon petit délire de femme au foyer. C’est aussi pratique d’avoir des dessins pour donner aux gens envie de cliquer sur un texte ou d’ouvrir un zine. Bref c’est un peu le volet marketing de cette petite secte.

Je fais tout à la souris et j’aime bien l’aérographe pour faire des textures de peaux

Ma super technique c’est de dessiner très sincèrement du mieux que je peux genre comme si je devais faire un portrait réaliste et tout d’après modèle (ou d’après ma vision mentale si je me dessine moi). Comme je sais pas bien dessiner ça donne ce genre de trucs moche mais comme c’est sur Paint ça passe. Avoir un outil de merde comme Paint ou un support de merde comme du papier photocopié ça donne plus de liberté de  faire moche ou de  pas trop finir les trucs.

– Tu publies tes textes, hors fanzine, sur tumblr et autres réseaux sociaux, tu as besoin de cette confrontation directe avec le lectorat ? Est-ce que tu écris aussi offline ? Quel est ton rapport aux réseaux sociaux ?

Je publie quasiment tout ce que je fais. Dès que j’arrive à une forme qui me convient je publie, sinon je jette. Je ne publie pas non plus quand je parle de gens qui pourraient être affectés, blessés ou trop perturbés par le fait que je parle d’eux dans mes textes, par politesse quoi.

Parfois je finalise après la publication. Ça permet de pas laisser mariner trop longtemps et d’accepter que ça ne soit pas vraiment fini. J’ai toujours les droits sur mes textes pour les modifier après si je le veux de toutes façons, c’est ça qui est cool par rapport à l’édition classique. Le texte m’appartient.

Je viens de dire « le texte m’appartient » et c’est évidemment faux puisque je cède ce contenu à des plateformes comme tumblr pour les textes  et Facebook ou twitter quand je rédige des blagues. J’aimerais donc au moins migrer le blog sur un site moche en html. Il faut que je trouve le temps et un peu de persévérance pour fabriquer ça.

Les réseaux sociaux ou en tout cas internet ça a toujours fait partie de ma vie car j’ai besoin de partager et d’échanger de trouver un écho, mais c’est difficile IRL je trouve. Sur internet je peux poser mes trucs et vient qui veut. J’aime pas agiter mes trucs au nez des gens sans leur avoir demandé leur avis.

Avoir des retours immédiats franchement ça fait plaisir et se faire des potes aussi : c’est moins intimidant d’échanger avec quelqu’un qui s’intéresse de lui-même à mes histoires d’hématomes, de désir d’avoir un chien, de promotions Carrefour, de family’s issues.

Internet

J’aime regarder des vidéos sur les étoiles à neutrons et les trous noirs ce genre de choses. Par exemple regarder Alain Aspect. J’aime bien Alain Aspect.

Des replays de ça commence aujourd’hui » avec Faustine Bollaert, des vlogs de femmes au foyer désespérées

J’aime aussi tomber sur des trucs semi sectaires comme ce site consacré au toilettage humain

Ou errer sur des banques d’images libres de vieux bouquins

Concerts

– Qu’est ce qui te manque le plus ?

Ces petits jalons d’évasion quand la vie est merdique, un prétexte pour sortir ma flasque de vodka et retrouver ce petit écosystème tantôt hostile, tantôt chaleureux.

Et également voir des concerts le dimanche soir et me sentir pleinement chômeuse. Mais ça le salariat me l’a enlevé avant l’épidémie.

Ah et puis la musique aussi c’est vrai.

– Comment tu vois l’avenir ? Quelles perspectives ? Quelles envies ?

J’ai un taf tranquille avec un chef gentil et patachon depuis un an et quelques après des années de galère, ça m’a permis de me reconstituer un peu matériellement et de me reposer de ce côté-là et d’être assez solvable pour me barrer bientôt de mon logement actuel qui moisit dans son jus, dans mon jus, dans beaucoup trop de jus. Pour le reste je ne vois pas bien quoi attendre à part les Jeux olympiques de 2024. En 2023 j’aimerais bien m’investir dans un look Pin up Quechua  que j’avais commencé à explorer quand j’ai vécu à Grenoble

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Tu t’étais lancée dans le documentaire, il me semble, ça en est où ?

On a fait un court métrage documentaire en groupe dans le cadre d’un atelier il y a un an et quelques. Le problème avec ce genre de truc c’est que je n’arrivais pas à bien m’entendre et m’accorder avec mon équipe. C’est un peu comme au lycée quand tu dois faire un exposé avec des gens, c’est dur de faire des trucs vraiment cool car t’essaies de faire plaisir à tout le monde, que tout le monde y trouve son compte tout en te demandant s’ils sont pas un peu de droite.

Et puis je suis à l’aise pour travailler en 2 dimensions, en 3D c’est plus compliqué, dès qu’il s’agit d’appréhender un espace, je suis complètement paumée et je ne comprends plus rien.

Ça a donné un court métrage de 8 minutes, très scolaire et pas diffusable car on a envoyé le docu au mec et il nous a jamais répondu pour donner son accord de diffuser.

J’en garde le souvenir d’avoir mangé une part de quiche un jour de Saint Valentin avec ce nettoyeur de scènes extrêmes sur le parking d’une boulangerie pendant qu’il me montrait des photos de matelas gorgés de fluides de cadavres.

Ça m’a marqué quand même comme expérience car c’est un gars qui intervient pour des sinistres. Comme pour un dégât des eaux mais là c’est pour nettoyer du sang et de la cervelle éclatée. Il n’y a d’ailleurs pas d’assurance qui couvre les dégâts de fluides corporels. Le fait d’avoir quelqu’un qui vient réparer la merde dans laquelle tu vis c’est quelque chose qui fait du bien. Rencontrer des professionnels neutres et prévenants c’est quelque chose qui m’a beaucoup apaisé  que ce soit lors d’ « événements familiaux » comme on dit, lors de fuites d’eau ou suite à une plaie causée par un accident de trottinette. Réparer, recoudre, raccommoder.  C’est cet aspect-là que je voulais explorer un peu.

Je voulais tester l’image/ le docu car c’est un format qui m’intéresse et qui, je pensais pouvais me parler. Mais en vrai c’est super galère, et je suis complètement perdue là-dedans. J’aime faire des trucs en slip dans mon lit bureau, mais pas me retrouver avec 6 personnes dans un parc à chercher des piles dans l’herbe et à trouver un angle de vue. Vraiment faire de l’image c’est un tel bordel, tu déplaces tout le monde, tu recharges des batteries d’appareils, tu achètes des piles, tu transfères des cartes SD c’est vraiment chiant. La réalisation c’est un mystère pour moi, si tu veux que dans ton histoire y ait une Twingo, eh ben faut trouver quelqu’un qui te prête une Twingo et placer la caméra par rapport à la Twingo, si tu veux que ton héroïne cueille une marguerite dans un pré il faut trouver un pré, des marguerites. Je sais bien qu’on peut faire des films en se servant de ce qui existe déjà mais il faut quand même déplacer des choses et des gens, quelle angoisse.

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